Algérie : trois ans de prison pour l’auteur de «mèmes» moquant le pouvoir et l’islam

Walid Kechida, 25 ans, publiait des parodies humoristiques sur la page Facebook « hirak mèmes ». Il a déjà effectué huit mois de détention provisoire.

 Un mouvement baptisé « Free Kechida » soutient le jeune homme sur les réseaux sociaux.
Un mouvement baptisé « Free Kechida » soutient le jeune homme sur les réseaux sociaux. DR

    L'humour, certes, mais pas en politique. Un jeune internaute algérien a été condamné ce lundi à une lourde peine de prison pour avoir publié sur Facebook des « mèmes » moquant les autorités et la religion.

    « Walid Kechida est condamné malheureusement à trois ans de prison ferme assortis d'une amende » a déclaré Kaci Tansaout, coordinateur du Comité national de libération des détenus (CNLD), une association qui vient en aide aux prisonniers d'opinion en Algérie. « L'heure est très grave au moment où on s'attendait à sa libération aujourd'hui, voire une relaxe ».

    Lors de son procès, le 21 décembre dernier, devant le tribunal de Sétif, le ministère public avait requis cinq ans de prison ainsi qu'une amende de 500 000 dinars (3075 euros). En détention provisoire depuis huit mois, Walid Kechida, 25 ans, était accusé d' « offense au président », « aux préceptes de l'islam » et d' « outrage à corps constitué ». Sur sa page Facebook « hirak mèmes », du nom du soulèvement populaire en Algérie, à l'origine de la démission du président Bouteflika, l'étudiant détournait des images sur un ton humoristique. Il a notamment détourné des photos du président Abdelmadjid Tebboune.

    La surveillance des réseaux sociaux s'est encore renforcée

    « Le pouvoir maintient sa feuille de route autoritaire et décide un autre coup de force en prévision des législatives, le durcissement des peines en est le signal », a réagi sur Twitter Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme.

    Des élections législatives sont prévues courant 2021 en Algérie, et le président Tebboune - en convalescence après avoir été soigné du coronavirus pendant deux mois en Allemagne - a fait de l'élaboration de la nouvelle loi électorale en vue de ce scrutin une de ses priorités.

    Les organisations de défense des droits humains affirment que la surveillance étatique des réseaux sociaux s'est renforcée, et que les poursuites judiciaires contre des internautes se multiplient, quand les médias électroniques ne sont pas simplement censurés.

    Plus de 90 personnes sont actuellement emprisonnées en Algérie en lien avec le mouvement de contestation populaire « Hirak » et/ou les libertés individuelles. Des poursuites fondées, pour beaucoup, sur des publications Facebook critiquant les autorités, d'après le CNLD. Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimer, affirme, lui qu'il « n'existe pas de prisonniers d'opinion en Algérie ».

    Les affaires comme celle de Walid Kechida se sont multipliées en 2020. Ainsi Mustapha Bendjama, rédacteur en chef d'un quotidien d'Annaba (nord-est) est-il actuellement poursuivi dans quatre affaires, toutes en lien avec ses publications sur Facebook. Il est notamment accusé « d'atteinte à l'intérêt national ».

    A Alger, trois détenus sont en grève de la faim depuis plus d'une semaine pour dénoncer la prolongation de leur mandat de dépôt. Mohamed Tadjadit, surnommé le « poète du Hirak », Noureddine Khimoud et Abdelhak Ben Rahmani, poursuivis dans la même affaire, sont en détention provisoire à la prison d'El Harrach depuis plus de quatre mois. Dix accusations pèsent sur eux, dont atteinte à l'unité nationale, incitation à attroupement non armé, offense au président de la République ou encore diffusion de fausses nouvelles, selon le CNLD.