Le silence qui soudainement a nappé le cœur de l’église n’a pas suffi à rendre audible le discours tant attendu. Seul un murmure est parvenu aux oreilles des plus attentifs. Un souffle, une longue psalmodie, comme une confession. Quelques-uns ont cru entendre se détacher des mots, « exigence », « fidélité », « engagement », mais, avec le recul, ils n’en sont plus vraiment certains. Ce 10 novembre 2016, à quelques centimètres du cercueil de son vieil ami, l’industriel Henry Hermand, décédé cinq jours plus tôt à l’âge de 92 ans, Emmanuel Macron n’est pas parvenu à livrer davantage qu’un chuchotement intime.
« Il était très ému, il savait ce qu’il lui devait, se souvient l’écrivain Eric Fottorino – ancien directeur du Monde –, qui a fondé et dirige Le 1, l’hebdomadaire que l’homme d’affaires finançait. On n’entendait pas ce qu’il disait et il semblait s’en ficher. Il parlait, mais c’était comme un silence. » Accompagné de son épouse, Brigitte, le futur candidat avait pris place au premier rang sur le banc habituellement dévolu à la famille. N’était-il pas le fils préféré ?
Le père de substitution
Davantage qu’un soutien, un financier, un compagnon de route, Emmanuel Macron a perdu, en cet automne humide, un ami, un père de substitution. Il n’était un secret pour personne qu’Hermand entretenait des relations exécrables avec ses quatre enfants. « Emmanuel était le fils qu’Henry aurait aimé avoir, confie son ami l’écrivain Tahar Ben Jelloun. Il a cru en lui avant tout le monde, il était sûr qu’il allait devenir président de la République. » Il est mort avant d’avoir vu son rêve exaucé.
De son côté, Emmanuel Macron, dont les parents planent comme des fantômes sur sa biographie, semble avoir longtemps été à la recherche de figures paternelles : ce fut, alors qu’il était en classe préparatoire au lycée Henri-IV, l’historien Max Gallo puis « la bande des quatre vieux », comme ils se surnomment eux-mêmes, le consultant Alain Minc, l’avocat Jean-Michel Darrois, le président de Sanofi Serge Weinberg et David de Rothschild (qui ouvrit au jeune énarque les portes de la prestigieuse banque). D’autres encore, comme l’ancien conseiller de François Mitterrand Jacques Attali.
« Henry a toujours été fasciné par les gens brillants et rapides, il a trouvé avec Macron celui qu’il aurait aimé être jeune. » Eric Fottorino
La rencontre entre Henri Hermand et Emmanuel Macron a lieu en 2002 à l’occasion d’une réception à la préfecture de l’Oise, où l’étudiant de l’ENA effectue son stage. Se scelle en quelques mots une relation de quinze ans. Entre le garçon sec et pressé et le vieil homme élégant au regard bleu perçant, naît une évidence, un coup de foudre amical. « Henry a toujours été fasciné par les gens brillants et rapides, il a trouvé avec Macron celui qu’il aurait aimé être jeune », raconte Eric Fottorino. « Une amitié filiale se noua, résuma Macron dans une lettre ouverte à son défunt protecteur publiée dans Le 1. Il était là. J’étais là. A chaque étape importante. »
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