C’est un paradoxe de la crise sanitaire. Les flux migratoires en direction du continent européen n’ont jamais été aussi faibles, mais les tensions sont particulièrement vives aux frontières extérieures. Et si le Covid-19 a semblé geler les mouvements de populations migrantes, les conséquences de l’épidémie pourraient entraîner une hausse des demandes de protection internationale à moyen terme en Europe, d’après le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO).
Les principaux pays d’origine des demandeurs d’asile dans l’Union européenne (UE) – parmi lesquels l’Afghanistan, la Somalie, le Bangladesh ou encore la République démocratique du Congo et l’Erythrée – sont vulnérables face à la pandémie en raison, notamment, de systèmes de santé peu dotés ou d’un manque de moyens préventifs tels que l’accès à l’eau, prévient l’EASO, dans un communiqué du mardi 12 mai. Compte tenu, de surcroît, des conséquences indirectes du Covid-19 en termes d’insécurité alimentaire et d’instabilité politique et, dans certains pays, de la résurgence de l’organisation Etat islamique, un regain de la demande d’asile en Europe est possible.
En attendant, celle-ci a chuté pour atteindre en mars « le plus bas niveau depuis 2014 », avec 34 700 demandes enregistrées. Ce phénomène doit beaucoup aux mesures de confinement prises par les pays face à la pandémie. Les administrations ont, pour la plupart, suspendu momentanément les procédures d’asile. La fermeture des frontières a aussi contribué à paralyser les mouvements de population. L’agence européenne de garde-frontières Frontex a constaté un arrêt quasi total des arrivées sur le continent, avec 900 franchissements illégaux détectés en avril, le chiffre le plus bas enregistré depuis la mise en œuvre d’une collecte de données, en 2009.
« Une nouveauté inquiétante »
La plus forte baisse a été ressentie sur la route migratoire de la Méditerranée orientale. En avril, 40 tentatives de passages illégaux ont été enregistrées, soit 99 % de moins qu’au mois de mars.
Toutefois, des refoulements de demandeurs d’asile – en violation du droit international – se poursuivent à la frontière gréco-turque, d’après les ONG Mobile Info Team, Border Violence Monitoring Network et Wave Thessaloniki, qui ont recueilli les témoignages de 194 demandeurs d’asile renvoyés de force en Turquie depuis les camps grecs de Diavata et le centre de détention de Drama, au nord du pays. « Les policiers les ont emmenés à la frontière pour les renvoyer en Turquie. Plusieurs personnes confient avoir été victimes de violences, note Océane Juchet, assistante juridique pour Mobile Info Team. C’est une nouveauté inquiétante qui s’explique aussi par la situation tendue liée au coronavirus, les ONG sont moins présentes dans les camps et de nombreux réfugiés ne peuvent pas renouveler leurs papiers. »
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