Mohamed (à droite, coupé sur la photo) et les quatre autres personnes qui ont refusé de monter sur le Sarost 5, en mars 2019. Crédit : InfoMigrants
Mohamed (à droite, coupé sur la photo) et les quatre autres personnes qui ont refusé de monter sur le Sarost 5, en mars 2019. Crédit : InfoMigrants

Mohamed est Sierra-Léonais. Après avoir été secouru l'été dernier par le bateau commercial tunisien, le Sarost 5, en mer Méditerranée, il a retenté la traversée vers l'Europe. Huit mois plus tard, sa route a recroisé par hasard celle du Sarost 5. Cette fois-ci, Mohamed a refusé de monter à bord. Il raconte.

Mohamed Jalloh est Sierra-Léonais. Étudiant, il a quitté son pays à 23 ans. Cela fait maintenant trois ans, qu'il est sur la route de l'exil pour tenter d'atteindre l'Europe.

"J’étais sur le bateau Sarost 5 l’été dernier [en juillet 2018]. J’étais sur ce bateau tunisien qui, après plusieurs jours passés en mer, nous a finalement redéposés en Tunisie. J’ai décidé de retenter ma chance pour passer en Europe. Ici, en Tunisie, ça ne va pas. Il ne se passe rien. On n’est pas considérés comme des demandeurs d’asile.

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Le 4 mars 2019, j’ai donc décidé de reprendre la mer. Pour réussir, j’ai d’abord quitté la Tunisie, je suis allé en Libye. Nous sommes partis en mer depuis la ville de Zouara [non loin de la frontière tunisienne]. On a pris un zodiac et on a fait trois jours de mer. On était 68 sur le canot.

Au bout de trois jours, on a croisé un bateau, j’ai vu que c’était encore le Sarost 5, le même bateau qui m’avait déjà récupéré l’année dernière. Alors j’ai refusé de monter à bord. Je ne leur faisais pas confiance, ils allaient encore nous ramener en Tunisie… Je suis resté trop longtemps en Tunisie. Je ne veux plus y aller.

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Nous sommes cinq personnes à avoir refusé. Nous sommes repartis sur le zodiac vide. Le Sarost 5 ne nous a rien donné, nous avions quémandé un peu d'essence, ils n'ont pas voulu. On leur a alors demandé de nous indiquer la direction de l’Europe. Ils nous ont donné une boussole. Mais ils ont fait semblant de nous aider, ils nous ont indiqué la direction de la Tunisie.

Ils nous ont menti, ils ont sciemment indiqué la mauvaise direction. Nous n'avions jamais vu ni utilisé de boussole. On ne s'est pas méfiés. Nous avons compris notre erreur après avoir croisé un premier pêcheur, plusieurs heures plus tard. Il nous a dit qu’on était en train de naviguer vers le sud, et non vers le nord.

Nous avons fait demi-tour, et nous avons continué notre route. On a navigué pendant trois jours, puis le moteur nous a lâchés. On n’avait plus d’essence. On n’arrivait pas à redémarrer. On a croisé des pêcheurs, à nouveau, ils étaient Tunisiens. Ils nous ont sauvés la vie, ils nous ont fait monter sur leur bateau.

Plus tard, le bateau a croisé des garde-côtes maltais. Ils n’ont pas accepté de nous prendre sur leur bateau. Ils disaient qu’il n’y avait pas de canot, qu’ils n’avaient pas la preuve qu’on était en détresse. On leur a expliqué la situation, ils nous ont demandé pourquoi nous n’étions pas montés sur le Sarost 5, on leur disait qu’on était des demandeurs d’asile.

Ils ont pris des photos de nous puis nous ont dit de retourner en Tunisie.

Ils ont demandé au capitaine des pêcheurs de nous ramener là-bas. C’est ce qui s’est passé. On nous a livrés aux garde-côtes tunisiens. Aujourd'hui, je suis à nouveau coincé dans ce pays. Je suis à Zarzis, dans des conditions précaires. On nous a dit qu’on pouvait rester 60 jours dans le centre où nous sommes et qu’après on devait partir, mais on n’a nulle part où aller. Nous n’avons rien, nous souffrons. J’ai tout à refaire."

 

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