Interdiction du moteur thermique : que va-t-il vraiment se passer en 2035 ?

Publié le 9 juin 2023 à 18:30
Mis à jour le 19 juin 2023 à 18:11
Interdiction du moteur thermique : que va-t-il vraiment se passer en 2035 ?

La certitude que les véhicules neufs fonctionneront à l’électricité en 2035 a semblé un moment remise en cause par le combat de l’Allemagne pour les carburants de synthèse à cette échéance. Cela va-t-il tout remettre en question ? L’Auto-Journal a enquêté sur les conséquences du futur règlement européen.

En 2035, il s’agira de choisir entre une voiture électrique alimentée par une batterie, par de l’hydrogène… ou rien ? La Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Europe sont finalement parvenus à se mettre d’accord le 28 mars dernier.

Le Conseil de l’Europe a adopté un règlement complexe, doté de nombreux points de passage avant la mise en application du “zéro émission pour les véhicules neufs” à compter de 2035.

Une date qui demeure un effet d’annonce car en réalité, les véhicules purement thermiques vont probablement disparaître du marché dès 2030.

2035 ou 2030 ?

À compter de 2030, les véhicules particuliers neufs devront émettre 55% de CO2 de moins que la moyenne des émissions des véhicules neufs en 2021. Et dès 2035, ce sera 100% d’émissions en moins, donc un bilan nul, à l’échappement tout du moins.

L’objectif fixé à 2030 ne doit surtout pas être négligé. En 2021, la moyenne d’émissions des véhicules particuliers neufs a été de 116,3 g/km en Europe selon l’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles). Ainsi, 116,3 – 55% = 52,3 g.

D’ici sept ans à peine, aucun véhicule neuf ne pourra donc émettre plus de 52,3 g/km CO2, ce qui signifie que les moteurs 100% thermiques sont déjà condamnés à court terme.

Les modèles les plus sobres en émissions, comme la Peugeot 208 BlueHDi, par exemple, affichent 109 g/km CO2 à l’heure actuelle. Pour descendre aux alentours de 50 g, le passage par l’hybride, plus probablement rechargeable, semble donc impératif.

Pour le reste, les pouvoirs publics n’imposent pas la voiture électrique. Leur propos se focalise bien sur les émissions de CO2. Ainsi, si une autre solution neutre en carbone émerge d’ici à 2035, elle devrait théoriquement être dans les clous réglementaires fixés par l’Union européenne.

Il y a toutefois fort à parier qu’en dehors de l’électricité et de la pile à combustible alimentée par de l’hydrogène, aucune solution technique ne sera mise à disposition du grand public dans un laps de temps aussi court.

Les carburants synthétiques vont-ils changer la donne ?

Bien des observateurs pensent que l’Allemagne a plus mené un combat pour l’honneur que pour obtenir une avancée :

“Après consultation des parties prenantes, la commission présentera une proposition concernant l’immatriculation après 2035 des véhicules fonctionnant exclusivement avec des carburants neutres en CO2 conformément au droit de l’Union”, indique le Conseil de l’Europe.

Un nouveau morceau de règlement, appelé “acte délégué”, devra être écrit spécifiquement pour ces carburants de synthèse. Or, “nous n’avons pas dit notre dernier mot” car “nous n’allons pas créer une exception pour Porsche”, considère Karima Delli, présidente de la commission transports et tourisme du Parlement européen.

Selon l’euro-députée française (EELV), l’acte délégué doit en effet être validé par le Parlement européen pour être applicable. Et Mme Delli entend peser de tout son poids pour que ce texte soit rejeté, ce qui compliquera les choses à coup sûr.

Au-delà du combat politique, quand bien même les carburants synthétiques seraient autorisés en 2035, ils ne seront pas disponibles à la pompe pour tous en lieu et place du gazole ou du sans-plomb.

Aujourd’hui loin d’être au point, les carburants synthétiques présentent un coût au litre astronomique et ne pourront certainement jamais être produits en très grande quantité. Ils serviront peut-être à alimenter quelques voitures de prestige conduites par des automobilistes fortunés, guère plus !

Les petits constructeurs sont-ils condamnés ?

Ferrari, McLaren, Aston Martin et consorts vont devoir évoluer, à l’instar de l’ensemble de la planète automobile. D’ici à 2035, aucun souci : les marques qui vendent entre 1000 et 10000 voitures par an (Porsche est au-delà) sont exemptées d’objectifs CO2 à respecter.

Mais à compter du 1er janvier 2036, les dérogations aux objectifs climatiques seront interdites. Les constructeurs de voitures de sport devront par conséquent passer nécessairement à l’électrique ou à l’hydrogène.

Seules les marques les plus confidentielles, qui vendent moins de 1000 autos par an, pourront continuer de proposer des véhicules thermiques… à moins que les carburants de synthèse ne volent à leur secours.

A quoi servent les étapes intermédiaires ?

L’Union européenne entend mettre au point une méthode visant à évaluer les émissions de CO2 des véhicules sur l’ensemble de leur cycle de vie, c’est-à-dire de leur fabrication jusqu’à leur destruction. Il n’est que temps, car se focaliser sur les émissions à l’usage est une aberration scientifique.

La méthode de mesure devra être effective dès 2025, et toutes les voitures mises sur le marché seront ensuite évaluées au regard de cette nouvelle méthode. Ainsi, les autos fabriquées loin, avec des sources d’énergie fortement carbonées, devraient être pénalisées par rapport aux autres.

Les voitures chinoises y survivrontelles? Cela reste à voir… D’autre part, entre ce jour et 2030, les constructeurs vont demeurer soumis à un objectif de vente d’un certain quota de véhicules à faibles émissions ou à émissions nulles (25% pour les voitures, 17% pour les utilitaires légers).

S’ils respectent cet engagement, les constructeurs devraient voir leurs objectifs CO2 allégés. Exemple : si Porsche parvient à diffuser 25% de voitures électriques chaque année d’ici à 2030, il pourra continuer de vendre tel ou tel pourcentage de véhicules fortement émetteurs.

Enfin, une clause du règlement promet de se remettre autour d’une table en 2026 : la Commission européenne réévaluera les progrès accomplis par les constructeurs et cherchera à savoir “s’il est nécessaire de réexaminer les objectifs en tenant compte des évolutions technologiques, y compris au regard des technologies hybrides rechargeables et de l’importance d’une transition viable et socialement équitable vers le zéro émission”, précise le Conseil de l’Europe.

Quelles conséquences directes pour l’automobiliste ?

En changeant d’énergie pour propulser leurs machines, les constructeurs automobiles vont se réinventer. Le chantier est d’ores et déjà plus qu’avancé pour la plupart d’entre eux.

La première conséquence pour le grand public est le renchérissement des véhicules neufs, auxquels une frange de la population qui y avait accès jusqu’alors ne pourra plus prétendre :

“Mettre les véhicules thermiques en extinction, c’est condamner une grande partie de la population et des territoires à une mobilité très réduite et à un étouffement économique certain”, a considéré la sénatrice LR Kristina Pluchet dans une récente tribune publiée par Le Figaro.

Quelques chiffres suffisent à illustrer le propos de l’élue : “Sur un an, le prix moyen a progressé de 8% en février 2023. Il faut en moyenne débourser 34 835 € pour acquérir une voiture neuve (hors options)”, explique AAA Data, l’association qui se préoccupe des statistiques automobiles en France.

Le prix de vente moyen des seuls véhicules électriques neufs est à ce jour de 40 280 € ! AAA Data rappelle qu’en 2010, le prix de vente moyen d’un véhicule neuf était de 19 800 €… La deuxième conséquence la plus probable est sans doute l’arrivée en masse des marques chinoises sur le marché européen.

Le président du directoire de Stellantis, Carlos Tavares, le répète à l’envi : les marques chinoises ont dix ans d’avance sur leurs rivales européenness, qui sont aujourd’hui dans l’incapacité de produire des véhicules électriques à des coûts accessibles au plus grand nombre.

De ce fait, il y a fort à parier que BYD, MG ou encore Great Wall vont s’arroger une belle part du marché du véhicule populaire en Europe. L’an dernier, MG a diffusé 13170 voitures neuves en France, en croissance de 166% ! BYD, premier constructeur mondial d’autos électriques, arrive chez nous avec son Atto 3.

Enfin, Great Wall a signé un accord de distribution avec Emil Frey, c’est-à-dire avec le premier opérateur de véhicules neufs en Europe. Lorsque le groupe suisse appuiera sur le bouton, bien des enseignes Great Wall fleuriront partout en Europe.

L’avis de l’Auto-Journal

L’électrique, c’est chic, sans doute même un peu trop. En dépit d’une urgence climatique qui apparaît indiscutable, l’auto dite “zéro émission” ne sauvera pas la planète.

Il n’est même pas sûr qu’elle l’améliorera par rapport à sa cousine thermique : il faudra attendre la fameuse méthode de mesure des émissions de CO2 sur le cycle de vie pour en avoir le cœur net.

La seule certitude que l’on peut avoir aujourd’hui est que les voitures neuves vont devenir de plus en plus inaccessibles.

Retrouvez notre enquête sur la future interdiction des moteurs thermiques en 2035 dans l’Auto-Journal n°1134 du 17/05/2023.

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