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Disparition

Mort de Loïc Raguénès, artiste du point et de la trame

Le peintre bisontin, installé depuis une dizaine d’années à Douarnenez (Finistère), s’était distingué par un travail pointilliste délicat, empreint d’une certaine nostalgie pour les années 70. Il s’est éteint vendredi dernier à l’âge de 54 ans.
par Judicaël Lavrador
publié le 19 septembre 2022 à 15h01

Il avait la voix grave d’un Jean-Pierre Marielle et le pinceau pointilliste d’un Seurat. Sans avoir, certes, la notoriété de l’un et de l’autre. Mais ses pairs portaient aux nues ses dessins, ses toiles, leur palette d’une délicatesse inégalable, et la simplicité désarmante de leur sujet. Loïc Raguénès est mort vendredi à Douarnenez (Finistère), d’une crise cardiaque. Il était âgé de 54 ans.

C’est aux Beaux-Arts de Besançon qu’il finit ses études, après un passage par Nîmes, et c’est à Dijon, jusqu’en 2011, que Loïc Raguénès met au point une méthode et un style de dessins monochromes, au crayon de couleurs, qui l’occupent des années. Patiemment, l’artiste copie à la main, en gros pointillés et, en somme, en imitant la trame d’imprimerie, des images puisées dans les magazines ou dans les livres d’art. Jean-Paul Belmondo dans la Sirène du Mississippi, Chapi Chapo, des oies sauvages filant vers l’horizon, François Hollande les mains jointes et les yeux rêveurs devant l’emblème du Parti socialiste, la vague d’Hokusai, quelques nus féminins à l’érotisme fleur bleue, des ballets de natation synchronisée… Tout cela constitue le corpus de Raguénès, empreint d’une nostalgie pas exempte de dérision pour la France des années 70, et non dépourvus d’une certaine mièvrerie, atténuée toutefois par ces pointillés qui floutent l’image, la font trembler dans l’œil et le cœur du spectateur. Il y a dans cette façon de refaire à la main le modèle d’une image mécaniquement reproduite quelque chose de délibérément vain qui s’affirme d’autant plus quand Raguénès passe à l’échelle de la peinture murale.

Depuis une dizaine d’années, il avait toutefois changé de travail et de vie (déménageant à Douarnenez, et travaillant avec la galerie Clearing, sise à New York et Bruxelles). Abandonnant les petits points et les images, il peignait des toiles tout aussi rêveuses et a priori régressives, où des vaguelettes très schématiques barraient le tableau de leurs ondulations paresseuses et où des planètes, rondes comme des ballons, de toutes les couleurs, brillaient faiblement sur un fond bleu nuit, figurant autant l’espace infini qu’un simple terrain de jeu, et entretenant la confusion entre le proche et le lointain.

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